Les grands groupes politiques au Parlement européen

Quel est l’équilibre des forces actuel au Parlement européen ? Quelles sont les factions politiques représentées, et leurs enjeux pour ces élections ? État des lieux pour quelques grands groupes parlementaires.

PPE-DE (Parti Populaire Européen et Démocrates Européens)

Actuellement le principal groupe représenté au Parlement européen (287 députés), le PPE-DE est aussi la famille politique à laquelle se rattache le Président de la Commission, José Manuel Barroso, ainsi que dix Premiers Ministres de l’Union. Ce grand groupe de centre-droit est cependant menacé d’éclatement par la volonté des conservateurs britanniques, tchèques et polonais de quitter cette coalition après les élections de juin, et de fonder un parti conservateur européen indépendant. Entre le soutien souvent tiède apporté à Barroso et les tiraillements de l’aile conservatrice, le grand défi du PPE-DE est de se reconstruire rapidement une identité et un programme.

PSE (Parti Socialiste Européen)

Le deuxième groupe du Parlement européen (217 députés) réunit des socialistes, des sociaux-démocrates et des travaillistes autour d’un programme commun, représenté par le Manifesto adopté à Madrid en décembre dernier. Le PSE voit dans la crise financière et économique actuelle le résultat des idées néolibérales défendues par le centre-droit européen, et compte bien profiter des élections européennes pour sanctionner ces politiques, et à la faveur de la probable fragmentation du PPE, tenter de devenir le plus grand groupe du Parlement. Cependant, malgré cette posture électorale, le PSE n’a pas proposé d’alternative claire à la candidature de Barroso à la Commission et envisage toujours de reconduire son entente traditionnelle avec le PPE-DE.

ADLE (Alliance des Démocrates et Libéraux pour l’Europe)

L’ADLE, troisième groupe en nombre au Parlement européen avec 101 députés, est une simple alliance parlementaire entre le Parti Démocrate Européen (PDE, 16 députés) et le parti des Libéraux, Démocrates et Réformateurs Européens (ELDR, 81 députés), conclue en 2004. ELDR rassemblait à l’origine des partis authentiquement libéraux, mais au fil des ans, quelques partis d’idéologie différente (démocrates, radicaux…) l’ont rejoint pour des raisons essentiellement de positionnement politique. Lorsqu’en 2004, François Bayrou et Francesco Rutelli fondent le PDE, ils souhaitent en faire une formation autonome et choisissent de tracer une nouvelle voie. Cependant, la force numérique de leurs troupes ne leur permet pas de prétendre à un groupe autonome et ils concluent un accord en dix points avec ELDR pour fonder un groupe commun au Parlement européen, appelé ADLE.

Le PDE a pris fortement position contre la candidature de José Manuel Barroso. ELDR s’est également élevé contre le bilan du président sortant mais semble s’être résigné.

La question qui se pose pour l’avenir de ce groupe dépendra du choix que fera le Parti Démocrate Européen de prolonger ou non son alliance avec les Libéraux. S’il réussit à rassembler en son sein les partis qui partagent ses idées, du cdH belge (actuellement au PPE) au Partito Democratico italien (actuellement tiraillé entre le PDE et le PSE) en passant par les Démocrates néerlandais et polonais (actuellement membres d’ELDR), il peut avoir envie de constituer son propre groupe parlementaire. Une autre possibilité pourrait être de changer ou de compléter cette alliance en se rapprochant d’autres partis comme les Verts et/ou l’ALE (voir ci-dessous). Les Démocrates italiens ont de leur côté émis le souhait de constituer un groupe commun avec les Socialistes, ce qui leur éviterait de choisir.

Verts/ALE (Parti vert européen – Alliance libre européenne)

Ici aussi, le groupe parlementaire (42 sièges) est une alliance entre deux partis distincts, l’un rassemblant les Verts des différentes nationalités (35 députés), et l’autre regroupant une trentaine de partis régionalistes d’une dizaine de pays (6 députés). Le Parti Vert Européen fut le premier parti à se constituer en véritable parti européen, et il fut également le premier en 2004 à faire une campagne commune dans toute l’Union.

Comptant rééditer cette performance cette année, ils seront néanmoins rattrapés par les logiques nationales qui ont pris le dessus dans certains pays tels que la France (où les Verts se sont alliés à d’autres partenaires comme le mouvement de José Bové, peu connu pour son fédéralisme) et l’Allemagne (où les élections fédérales et régionales qui auront lieu en même temps imposeront une campagne nationale).

Un autre défi auquel seront confrontés les Verts est la diminution attendue de leurs effectifs, suite à un repli électoral plus ou moins grand en Europe occidentale et au manque de percée en Europe orientale conjugués à la réduction du nombre total de sièges de députés (de 785 à 732) : le danger de tomber sous la barre des 20 députés, seuil nécessaire pour créer un groupe, est réel. Une telle hypothèse pourrait conduire les deux partis alliés à envisager de conclure d’autres alliances. Dans un tel cas, la question se poserait de savoir vers qui ils se tourneraient : des partenaires aussi différents que les Libéraux, les Démocrates et la Gauche radicale semblent tous compatibles sur différents points avec les Verts et/ou l’ALE.

Chez les eurosceptiques

Il existe aujourd’hui deux groupes classés comme eurosceptiques, et il n’est pas facile de savoir ce qui distingue Indépendance et Démocratie (23 députés) de l’Union pour l’Europe des Nations (44 députés). D’ailleurs, les mouvements de l’un à l’autre et de l’autre à l’un n’ont pas manqué de se produire au fil des ans (pendant cette mandature par exemple, la Ligue des familles polonaise s’est illustrée par ses hésitations entre les deux groupes). Il se pourrait cependant que la prochaine législature voie des changements importants intervenir dans cette famille à la faveur des éléments suivants :

  • d’une part, plusieurs partis ont manifesté leur malaise d’être membres de l’UEN : l’Alleanza nazionale italienne (8 députés), bien qu’historiquement post-fasciste, est aujourd’hui composée de conservateurs europhiles, et pourrait rejoindre le PPE ; de la même façon, Fianna Fáil (4 députés), parti centriste qui a soutenu la constitution européenne, a manifesté son souhait de rejoindre ELDR dès cette année ; enfin, la Lega Nord (4 députés), parti régionaliste qui a d’ailleurs autrefois fait partie de l’ALE, souhaiterait se rapprocher d’autres partis régionalistes ;
  • d’autre part, le mouvement Libertas du milliardaire Declan Ganley, porté par la vague du NON au référendum irlandais sur le Traité de Lisbonne, est décidé à devenir un vrai parti européen ; dans cette perspective, il n’a pas ménagé ses efforts pour rassembler sous sa bannière le maximum de mouvements eurosceptiques et vise à être présent dans l’ensemble des pays de l’Union : ainsi, ont déjà répondu à l’appel le tristement célèbre président tchèque Vaclav Klaus et, en France, ce sont le Mouvement pour la France de Philippe de Villiers et le parti Chasse, Pêche, Nature et Traditions qui se présenteront sous ces nouvelles couleurs.

Ces deux faits conjugués conduisent à envisager la dissolution des deux groupes souverainistes actuels concourramment au départ d’Alleanza nazionale et de Fianna Fail et à la création d’un groupe Libertas. La question qui se pose est de savoir ce que feront les partis eurosceptiques qui ne se reconnaissent pas sous la bannière Libertas : siéger parmi les indépendants ? constituer un groupe indépendant, à supposer qu’ils aient suffisamment d’élus ? se rapprocher des nationalistes pour ressusciter le défunt groupe Identités, Traditions, Souveraineté avec Bruno Gollnisch et Alessandra Mussolini ? Réponse en juin prochain.

Article écrit en collaboration avec Maël Donoso.

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